Yanick Lahens couronnée par l’Académie française : une victoire pour Haïti
Publié par Francois Nedje Jacques | novembre 2, 2025
L’écrivaine haïtienne Yanick Lahens a remporté le Grand Prix du Roman de l’Académie française 2025 pour son œuvre Passagères de nuit, publiée chez Sabine Wespieser. Ce prestigieux prix consacre une voix majeure de la littérature francophone et ravive la fierté d’une nation qui, malgré les épreuves, continue d’irradier par ses mots.
Le Grand Prix du Roman de l’Académie française, l’une des distinctions les plus prestigieuses du monde littéraire francophone, a été attribué cette année à Yanick Lahens, consacrant ainsi une œuvre à la fois intime, historique et universelle.
Dans Passagères de nuit, l’autrice de Bain de lune (Prix Femina 2014) explore la mémoire et la transmission à travers les voix de femmes issues de Saint-Domingue et de la Louisiane du XIXᵉ siècle. Ce roman, écrit « à des milliers de kilomètres de Paris », mêle avec élégance l’histoire, la langue et la quête identitaire, dans une écriture où le français se marie subtilement au créole.
« Pour moi, c’est important que ce soit une voix d’Haïti, a déclaré Yanick Lahens. C’est une preuve de grande ouverture de la part de l’Académie française. C’est un texte en français académique, mais émaillé de mots en langue créole. »
Yanick Lahens
Un symbole d’espoir pour Haïti
L’annonce de ce prix a suscité une vague d’émotion et de fierté, tant en Haïti que dans la diaspora. Dans un pays meurtri par les crises politiques, économiques et sécuritaires, cette reconnaissance résonne comme un rappel de la force culturelle haïtienne.
De nombreux internautes haïtiens ont exprimé leur joie sur les réseaux sociaux, saluant « une victoire de la lumière sur la nuit », pour reprendre les mots de certains.
L’écrivain Gary Victor, figure de proue de la littérature contemporaine haïtienne, a salué une « preuve de plus de la vitalité de la littérature haïtienne » et un « motif de fierté nationale ».
Un roman de mémoire et de transmission
Passagères de nuit s’impose comme un hommage vibrant aux ancêtres de l’autrice et, plus largement, à toutes les femmes effacées de l’histoire. Par ce livre, Yanick Lahens entreprend de briser plusieurs silences : celui de sa propre biographie familiale, mais aussi celui de la mémoire collective. Le roman retrace les destins croisés de femmes venues de Saint-Domingue et de la Nouvelle-Orléans, ces pionnières oubliées qui ont façonné la culture et la société louisianaise. L’autrice y déploie ce qu’elle appelle « la souveraineté du silence » :« Le silence permet de construire une stratégie à long terme, qui permet de durer et de transmettre. »
Au fil des pages, Passagères de nuit célèbre la résistance des femmes, leur force tranquille et la mémoire vivante qu’elles portent à travers les générations.
Dans son discours de réception du prix, lu par Sabine Wespieser sur les marches de l’institution du quai Conti, Yanick Lahens a livré des mots d’une grande intensité, empreints de lucidité et d’espérance :
« Il me faut de la force pour avancer avec, pour seule boussole, l’idée d’une humanité partagée et, comme seule arme, des mots. Juste une poignée de lucioles lancée dans la nuit. Et, toujours, j’espère que la magie opérera, que les lucioles nous feront plier les genoux, rêver, sourire, verser des larmes, danser. »



À travers cette image des lucioles, symbole de fragilité et de persistance lumineuse, l’écrivaine réaffirme sa foi en la puissance de la littérature pour éclairer les zones d’ombre et rassembler les êtres.
Une œuvre, une voix, une trajectoire
Née en 1953 à Port-au-Prince, Yanick Lahens s’impose depuis plusieurs décennies comme l’une des figures majeures de la littérature francophone contemporaine. Professeure, essayiste et romancière, elle a bâti une œuvre où s’entrelacent la mémoire, l’histoire, la politique et la poésie.
Autrice de nombreux ouvrages, dont Dans la maison du père (2000), La couleur de l’aube (2008), Failles (2010) et Bain de lune (2014); elle n’a jamais cessé de témoigner des fractures et des espérances d’Haïti.
Lauréate du Prix Femina 2014, elle reçoit aujourd’hui la consécration de l’Académie française, confirmant son statut d’ambassadrice d’une littérature haïtienne ouverte sur le monde, profondément enracinée dans sa langue et son imaginaire.
En honorant Yanick Lahens, l’Académie française consacre bien plus qu’un roman : elle célèbre une voix singulière, un regard sur le monde, et une écriture qui relie les rives du passé à celles du présent.
Dans une période où Haïti traverse des heures sombres, cette reconnaissance internationale agit comme une lumière d’espérance, une preuve que la littérature demeure, envers et contre tout, un acte de résistance et de beauté.
Francois Nedje Jacques
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Passagères de nuit
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